Cette demeure est sans conteste une construction de style Directoire (1795). Apparemment, depuis 225 ans, huit propriétaires se sont succédés dans ce château : de M. Sicaire Sengensse à la famille actuelle, Broca, Monod-Broca, Bacot, etc. 


Rose Mai Langlois Berthelot, née Monod-Broca, nous raconte…  


Sur la place du village, encadré par la vieille église et la Mairie, apparaît le château derrière sa grande grille de fer forgé.  Il est de proportions modestes et nous connaissons ses origines grâce à quelques notes écrites par ma mère, Madame Raoul Monod, née Broca, et conservées dans une chemise intitulée «Historique du château». 


On pense qu’il y avait antérieurement au château actuel, un château de défense qui soutint plusieurs sièges et fût détruit à la fin du XVIème siècle, paraît t-il.  


On voit d’ailleurs fort bien, par les étés très secs se dessiner dans la cour de la ferme attenante des lignes géométriques qui représentent d’anciennes fondations. Dans ces endroits pierreux l’herbe jaunit plus vite. Ma mère, petite fille aimait se réfugier dans les greniers et se souvenait avoir vu apparaître ces traces jaunies dans l’herbe. L’historique constitué par ma mère ne remonte pas au delà d’un certain docteur  Sicaire Sengensse  qui l’avait acheté en l’an thermidor an XIII (1805) au héritiers Delavoupière. Il devint par la suite le chirurgien de Charles X. Sa fille ainée, Angélique Émilie, hérita du château à la mort de son père survenue le 19 décembre 1842. Elle avais épousé un Doisy de Villargennes chef de bureau à la Banque de France. Celui-ci avait des parentes dans le midi, qui nous étaient aussi apparentées.

 

 C‘est ainsi que nous savons qu’il y a toujours à Valleraugues un tableau  du château, une aquarelle peut être peinte par Angélique Émilie, et qui représente celui-ci couvert de «tuiles» et orné au sud, non d’une véranda, mais d’une longue terrasse avec un escalier à chaque extrémité, et, semble-t-il pas d’escalier central. Ce n’est qu’en 1999 que la famille reçu une photocopie couleur du fameux château.

Fig. 1 : L’aquarelle du château par Iles cousin de Valleraugue

La sœur cadette d’Angélique, Julienne Poldine Bourgeois hérita pour sa part d’une Ferme et de quelques 100 hectares de terres attenantes qu’elle conservera jusqu’en 1870. Il y a de fortes chances que ce soit la ferme dont j’ai hérité moi-même et que nous continuons à appeler du nom de son dernier fermier, « la ferme Robert ». Il y a des similitudes avec le  château qui font penser que peut-être M. Sengensse aurait  voulu laisser à ses deux filles deux habitations, en faisant construire ce qui semble bien être une maison de maître ?  

Je sais seulement que mon grand-père Auguste Broca, propriétaire du château depuis 1897, en devint acquéreur quelques années plus tard, achetant ensuite des terres ou des bois à l’occasion de ventes locales.   


Le château, lui, resta peu de temps aux mains d’Angélique Émilie. Dès août 1846 son mari revend le domaine à un certain Hippolyte Landais pour la somme de 25.000 francs.     


Hippolyte Landais ne garde le château que quelques mois et le revend dés octobre 1846, avec un joli bénéfice à M. Germain Gentil et à son épouse (née Julie Coste) pour la somme de 28.200 francs. Il est vrai qu’il y a fait quelques frais, construisant notamment le mur allant de l’étang au bout du parc. (*) 


Nouvelle vente en 1859. Grâce au notaire de Bréval, Maître Gallardon qui a exploré les greniers de son prédécesseur en reprenant l’Étude en 1995, nous possédons l’affiche annonçant cette vente par licitation pour le mois de mai. Cette affiche nous apprends, entre autres qu’antérieurement la grille d’entrée était flanquée de deux pavillons  dont toute  trace a disparu.

Le nouveau propriétaire, M. Sénécal et son épouse, née Rose Lecomte, ne garderont la propriété que 6 ans et se font de l’argent avec les bois.

Fig.2 : Affiche de mise en vente du château en 1858 par licitation.

En 1865 Mme Audouy, née Townsend, originaire de l’Alabama en devient propriétaire pour 37.500 francs. Est-ce cette riche américaine qui décide la construction de cette véranda si agréable à vivre. Elle revend la demeure au même prix en 1878 à M. Vatel qui y restera un peu plus longtemps. C’est lui qui vendra la maison à mes grands parents Broca à l’automne 1897 sans en changer le prix. 

Mes grands parents cherchaient une propriété proche de Paris, et visitant le château à l’époque où le raisin était mûr dans la véranda (**), ils se décidèrent aussitôt sur un coup de cœur. Nous savons que cette véranda est responsable de cet achat et de l’implantation familiale. 

M. Vatel était un monsieur très âgé, très attaché à la vieille demeure. Il semblait au désespoir de s’en aller, mais il vivait hors mariage avec une personne qui disposait par ailleurs d’un héritage. Il choisi donc de s’en aller sans rien emporter, (***) avec sa simple petite valise, laissant quelques beaux meubles et des tiroirs pleins de lettres et de papiers que ma grand mère dû débarrasser. Il avait demandé que l’on gardât jusqu’à la mort, la jument Margot et le vieux chien, ce qui fut fait.  


Et voilà plus de cent ans que la vielle maison voit se succéder des générations de Broca, de Monod, de Bacot. . .  

Au 19ème siècle, le château aura connu près de 8 propriétaires alors que cela fait plus de 120 ans qu’elle reste dans la même famille.  

 

Durant la Seconde Guerre mondiale, la vielle maison a beaucoup souffert, recevant un obus en pleine façade: un commandement français s’y étant installé. Le trou resta béant plus d’un an, ma mère voulant éviter avant tout que les allemands ne s’y installent.  

Ils le visitèrent plusieurs fois et se contentèrent d’emporter ailleurs quelques meubles. 


Bien des choses ont changé, mais derrière sa grille, la « grande façade blanche » est toujours là songeant à toutes les fêtes, les évènements, en complicité avec la mairie et l’église et qui participent à l’âme du village. Et proche de là on peut aussi entendre venant de l’école les cris joyeux des enfants qui s’égayent . . .

Fig. 3 : Carte postale du château réalisée il y a environ quarante ans.

Rose Mai LANGLOIS BERTHELOT



(*) Les murs de chaque cotés du domaine ont donc 160 ans. 

(**) La vigne de la véranda donnait déjà du raisin en 1897: elle a donc autour de 130 ans. 

(***) Une partie du mobilier vient donc de M. Vatel.

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